Révélations surprenantes de Garou sur sa vie
Son nouvel album, «Un meilleur lendemain», sera disponible dès le 4 avril.
Patrick Delisle-Crevier
27 mars 2025 06H00 Mise à jour 27 mars 2025 06H00
C’est dans sa loge, quelques instants avant le Variété dominical de Star Académie, que j’ai pu m’entretenir avec Garou, sur son rôle de directeur, mais aussi sur son nouvel album, Un meilleur lendemain, qu’il lance ces jours-ci. Dans la discrétion de sa loge, il m’a fait entendre, écouteurs dans les oreilles, quelques chansons de cet album, le premier en carrière où il choisit les textes, les musiques et assure la production. Ça sonne comme de la bombe, ça s’annonce excellent et le chanteur en est fier. Il est aussi question de ses autres projets et de sa belle Stéphanie qui partage sa vie depuis 15 ans...
Garou, comment vas-tu?
C’est drôle, car il y a quelques jours, on faisait la séance photos pour mon album, et je me disais que je n’avais jamais eu une sale tête comme ça. Je suis fatigué pas à peu près! Disons que je travaille beaucoup en ce moment et que faire une émission comme Star Académie, ça tire du jus. Être là, à botter le derrière des Académiciens pour les pousser à aller plus loin, ça fait en sorte que je botte aussi le mien. Cet album que je lance n’était pas prévu, il est arrivé comme ça! Actuellement, je cours partout pour que tout soit prêt à temps. Bon, j’aimerais être en train de faire mon sirop d’érable en ce moment, mais par manque de temps, j’ai dû mettre une croix là-dessus pour cette année. Je suis toutefois heureux de tous mes projets.
Je te connais depuis le premier disque et j’ai l’impression que présenter celui-ci, c’est différent pour toi.
J’en suis encore plus fier, et surtout, je sens beaucoup moins de pression, même si je ne suis pas le gars qui réagit le plus à la pression sur la terre. Je me suis tellement amusé en créant ce disque, que je qualifie comme mon premier, à 52 ans. Ça fait presque 30 ans que je fais cette carrière et je présente enfin ce premier album qui est à 100 % le mien.
Pourquoi avoir attendu aussi longtemps?
C’est une excellente question, et je vais faire attention à ce que je vais dire. J’ai signé pour mon premier disque tout de suite après Notre-Dame-de-Paris, avec René Angélil et Sony Musique. C’était la grosse affaire et après la folie de Notre-Dame-de-Paris, j’ai attendu trois ans avant d'enregistrer un album. Tous les autres chanteurs l’ont fait rapidement, mais moi, je n’étais pas prêt! Donc, quand j’ai fait mon premier album, j’avais plein de monde prêt à m’offrir des chansons. J’ai reçu tellement de textes et c’était un comité qui décidait pour mes chansons. Je suis tombé là-dedans et ç'a toujours été un peu ça par la suite. Là, je produis moi-même mon affaire et j’adore ça.
Tu m’as déjà dit en entrevue que tu ne referais jamais un album...
Je sais que ça contredit ce que j’ai déjà dit, mais je ne pouvais pas passer à côté de ce disque, qui est vraiment mon premier véritable album. Maintenant, je me demande si ce disque est une façon de boucler la boucle ou d’ouvrir une brèche. Je ne le sais pas encore. Je vais voir les réactions, car certaines personnes me demandent de leur écrire des chansons. Ça m’intéresse, parce que je pense que j’écrirais mieux pour d’autres que pour moi. Star Académie a réveillé plein de choses en moi, dont l’envie de faire à nouveau de la musique. Je vais donc suivre l’évolution de tout ça.
Peut-on dire que tes albums précédents étaient des disques de compromis?
Oui, dès le début, ç'a été des compromis, pour de multiples raisons. Même avec ma voix d'aujourd’hui, c’est différent, car en interprétant le personnage de Quasimodo, j’étais beaucoup dans ma voix rauque. Quand est venu le temps d’arriver avec mes propres chansons, je ne pouvais pas y aller dans le plus clean. On m’a aussi connu dans la grande chanson lyrique en français, alors que moi, dans ma tête, j’aurais fait un album de musique funk. Donc, oui, ç'a été des compromis, mais des bons compromis. Je pense que c’est nécessaire dans une relation pour que ça marche. Mais je n’avais pas envie que ça marche comme ça toute ma carrière. Je n’ai jamais eu ce besoin que ça soit toujours de plus en plus gros. Au contraire, j’ai même l’impression d’avoir appuyé sur les freins pendant toute ma carrière.
Pourquoi?
Parce que je n’avais pas envie de ça, et que c’était trop gros et trop vite. Avec René et son équipe, ça allait à 100 milles à l’heure. Mais tout a toujours été fait dans le respect. Je me souviens qu’avant de signer avec Sony, alors que j’avais le stylo dans la main, j’ai levé ma tête et j’ai posé une question à René, pour savoir si, dans le cas où je n'aime pas une chanson, je serais obligé de la chanter. Ça a fait un froid et René m’a répondu: «Garou, je ne vais jamais te forcer à chanter une chanson que tu n’aimes pas, mais on va cependant tout faire pour que tu l’aimes.» (rires) Je ne suis vraiment pas à plaindre, parce que j’ai pu faire à peu près ce que je voulais et que j’étais quand même un électron libre, même dans un carcan. Ce qui est différent cette fois-ci, c’est que je me retrouve dans un carcan que je me suis fait moi-même. Maintenant, à 52 ans, je me fais le cadeau d’arriver avec l’album que j’ai toujours eu envie de faire.
Quel regard jettes-tu sur le Garou des débuts?
Je me suis toujours amusé. Je suis un gars qui s’amuse facilement et si j’avais travaillé dans une usine de lacets de chaussures, j’aurais trouvé le moyen d’être heureux. Je suis un gars foncièrement de bonne humeur et qui s’arrange pour répandre la bonne humeur autour de lui. Mais c’est certain que ç'a été vite à mes débuts, trop vite, et je ne voulais pas tout ça.
Quasimodo et Notre-Dame-de-Paris, ce fut une aventure fantastique. Mais était-ce un couteau à double tranchant?
Pas tant. Ma peur, avec tout ça, c’était de faire toujours le même spectacle et de le faire toujours de la même façon. Nous chantions sur des bandes et nous étions réglés au quart de tour. Mais j’ai découvert tout un univers en faisant la même chose tout le temps; ça m’a permis de découvrir des subtilités. Daniel Lavoie, qui joue encore dans la comédie musicale, me disait dernièrement qu’il peaufinait encore son rôle 30 plus tard. Donc, c’est aussi le fun,d’une certaine façon
Referais-tu Quasimodo?
Non, je ne me verrais pas refaire ça, même que j’ai l’impression que c’était dans une autre vie. Je suis fier de l’avoir fait et ça m'a complètement transformé, mais à travers les années, chaque chose que j’ai pu faire m’a permis de me transformer et d’arriver à celui que je suis aujourd’hui. Donc, je peux juste être fier du parcours, même si je ne suis pas celui qui regarde dans le rétroviseur.
As-tu eu la carrière que tu pensais avoir?
Je ne pensais même pas avoir une carrière au départ. À un moment donné, c’est devenu tellement gros que j’ai ressenti le besoin de ralentir et de refuser certaines choses. Je suis passé à côté de grandes opportunités, au point où, si je te le disais, tu n’aurais plus aucun respect pour moi. Tu me trouverais un peu cave. Mais je ne voulais pas être une vedette, je n’ai jamais eu ce besoin-là.
Et le vedettariat, on dirait que ça ne te fait pas triper tant que ça.
J’ai très mal vécu avec le vedettariat, par exemple, dans le temps de Notre-Dame-de-Paris. Le bout que j’ai le plus aimé, c’était à Londres, parce que là-bas, je sortais dans la rue et les gens ne me reconnaissaient pas. Ils ne savaient pas qui était Garou. Les gens croyaient que le gars derrière Quasimodo avait un réel handicap et moi, j’aimais ça passer incognito. Je me recroquevillais tellement pour jouer ce personnage que j’ai des problèmes physiques aujourd’hui.
De quoi es-tu le plus fier dans ta carrière?
C’est d’avoir réussi à percer au-delà de la francophonie et d’avoir chanté en français dans plein de pays francophones. J’ai été un fier porte-étendard de notre belle langue dans plein de pays, et pour moi, ce fut spécial de faire ça.
Parle-moi de la place de l’Europe dans ta carrière?
C’est drôle, parce que beaucoup de gens d'ici pensent que j’ai quitté le Québec pour habiter à Paris, alors que ça n’a jamais été le cas. C’est beaucoup de ma faute, parce que je travaillais beaucoup moins ici que là-bas. L’Europe a toujours été ma vie de travail, alors qu’ici, c’était chez nous, avec la famille, les amis et mes habitudes. Le plus grand bémol de ça, c’est que j’étais souvent moins généreux avec la télévision et le public québécois, mais c’est tellement un petit marché que je ne me sentais pas trop mal de laisser plus de place aux autres. Il n’y a pas un autre endroit dans le monde où je voudrais vivre que le Québec. Je suis fier d’être Québécois et d’habiter ici, même si mon bureau était parfois ailleurs.
Certains disent que tu aurais pu avoir une carrière à la Bruce Springsteen. As-tu déjà souhaité d'avoir la grosse carrière américaine?
Ça ne m’intéressait pas et j’expliquais à René que je ne voulais rien savoir de ça. Si tu fais une grosse carrière américaine, tu n’as plus de vie après et tu ne peux plus passer incognito nulle part, alors que moi, il y a encore plein d'endroits dans le monde où je suis tranquille. J’ai toujours été un peu préoccupé par la célébrité et j’ai toujours eu du mal à la digérer. J’aime me donner à fond sur scène, mais dans la rue, je ne me sens pas plus important qu’un boulanger. J’aime avoir mon jardin secret. On me propose souvent d’écrire un livre sur ma vie et le problème, c’est que je ne dirais pas plus que 20 % de la vérité parce qu’il y a des choses qui ne se racontent pas. J’ai eu un parcours le fun et le plus beau vecteur de tout ça reste la musique.
Changerais-tu quelque chose à ta carrière?
Non, je suis plus heureux, plus en paix et plus serein que jamais dans ma vie en ce moment. Je me dis que même la pire chose qui a pu m’arriver dans ma vie a certainement contribué à construire celui que je suis aujourd’hui.
As-tu des regrets dans ta vie personnelle?
Mon plus grand regret est sûrement de ne pas avoir été là pour ma fille. C’est probablement mon seul regret, sinon j’assume les erreurs que j’ai pu faire dans ma vie personnelle. Aujourd’hui, je rattrape le temps perdu avec elle, mais autrement. Là, Emelie me rend la monnaie de ma pièce, puisque c’est maintenant elle qui est toujours partie. Nous avons une belle complicité aujourd’hui. Ma fille m’a même déjà dit que nous étions plus des amis, que j’étais un de ses besties. Elle a même écrit une chanson, qui est sur mon album. Emelie est une fille de mathématiques et de sciences. Mais pendant la pandémie, je lui ai offert un ukulélé et elle s’est mise à écrire des chansons. Mais elle ne souhaite aucunement faire ce métier. Elle a vu ce que ça donnait! (rires)
Et après tout ce parcours, comment vis-tu ton passage à Star Académie?
Au début, ç'a été difficile, car je trouvais qu’il y avait des petits combats à livrer pour changer certaines choses. Peu à peu, tu trouves le chemin et tu deviens serein. Avec les trois profs, c’est un match de fou tellement nous nous entendons bien! On se respecte tellement et on est sur la même longueur d’onde. On a aussi une belle gang d’Académiciens. Je suis fier d’eux et je suis bienveillant avec eux, même si certaines personnes trouvent que nous sommes un peu durs. Je n’ai pas cette impression-là. J’ai souvent dit à ma fille que quand j’étais dur avec elle ou que quelque chose ne me faisait pas plaisir, j’intervenais ainsi pour son bien, pour qu’elle grandisse et qu’elle aille encore plus loin. C’est la même chose avec les Académiciens. Ils ne sont pas là pour faire une télé, ils sont là pour apprendre, grandir et évoluer.
Est-ce que ça été difficile de trancher pour décider qui vous gardiez dans l’aventure les dimanches soirs?
C’est le seul bout où personne n’était d’accord! (rires) Ce fut donc très difficile. Nous devions débattre et nous nous en voulions de devoir en retourner un chez lui. On avait peu de temps pour prendre une décision.
Est-ce que Star Académie se passe comme tu le pensais?
Ça se passe différemment et, à un moment donné, il a fallu que je comprenne que je ne pourrais pas faire tout ce que j’avais prévu. J’aurais voulu aller plus loin sur beaucoup de choses et j’ai compris que je devais faire des choix, que c’était une émission de télévision, alors que moi, j’étais parti pour fonder une université. Je voulais qu’ils progressent aussi en musique, pas juste en chant.
Et la cinquantaine, comment vis-tu ça?
Je le vis très bien, je n’ai jamais été aussi heureux dans ma vie! Je n'accorde pas une grande importance aux chiffres. Bon, c’est certain que vieillir, pour le corps, ce n’est pas le fun, mais je n’ai jamais été très chum avec mon miroir, alors je ne le remarque pas trop. Donc, mon miroir ne me dit pas souvent que je suis vieux. Mais c’est le fun d’avoir un plus beau bagage et d’avoir de la maturité.
Parle-moi de Stéphanie, qui partage ta vie depuis 15 ans.
On est toujours ensemble, on vit comme deux inséparables. Elle n’est pas du tout dans la musique et ne connaît pas les autres artistes. Mais son opinion est super importante pour moi, encore plus à cause de ça. Elle est très instinctive.
Pensais-tu vivre ça?
Non, j’étais plutôt un gars volage, mais Claude Nougaro a dit un jour, alors qu’on lui demandait si, à 65 ans, il avait enfin trouvé la femme de sa vie: «J’ai souvent trouvé la femme de ma vie, mais maintenant, j’ai trouvé la femme de ma mort.» Je suis rendu à l’étape où je ne me pose plus de questions. Je sais que Stéphanie est la femme avec qui j’ai envie d’être. Elle est arrivée au bon moment dans ma vie, et ça fait définitivement partie de l’équation. Nous travaillons sur notre couple ensemble et je suis heureux d’avoir construit quelque chose avec elle.
Après la sortie de l’album, y aura-t-il une tournée? Comment vois-tu ça?
Je songe à faire un concept qui sera complètement différent. Ce sera Garou solo, mais pas solo pour couper les coûts, car je pense que le concept que j’ai en tête va même coûter plus cher. Je vais être piano-guitare-looping-trigger et ce sera très théâtral et très raconté. Je suis un tripeux de technologie et je veux aussi mettre ça de l’avant. Sur l’album, il y a beaucoup de sons transformés et je veux aussi les faire entendre sur scène. Donc, je veux que ce soit une tournée de gros luxe. J’ai besoin de quelques mois pour construire tout ça. Nous allons annoncer les premières dates prochainement. J’aimerais aussi faire une petite résidence quelque part.